CASH INVESTIGATION, magazine d’enquête de France 2 revient à l’antenne une deuxième fois cette saison. mardi 4 novembre 2014 à 20h45, avec Elise Lucet.
Les Secrets inavouables de nos téléphones seront au coeur de ce numéro qui devrait beaucoup faire parler...
Pendant un an, Martin Boudot a enquêté sur les conditions de fabrication de cet appareil et ce qu’il a découvert est édifiant. "Voici un produit de grande consommation dont il se vend 1,8 milliard d’exemplaires par an dans le monde, soit 57 téléphones portables achetés par seconde. Un produit qui a permis à une société comme Apple d’obtenir des marges de plus de 50 % sur la vente de certains de ses modèles et d’être à ce jour la marque la plus cotée au monde et à une autre, Samsung, de dégager un chiffre d’affaires de 157 milliards d’euros, soit l’équivalent des PIB réunis du Luxembourg, de la Croatie et du Paraguay. À Cash investigation, nous trouvions intéressant de comprendre comment sont fabriqués ces téléphones portables qui rapportent tant à ces grands empires économiques et dont les consommateurs ne peuvent plus ou presque plus se passer. Sachez, par exemple, qu’un Français consulte en moyenne 150 fois par jour son téléphone portable".
Nous avons parcouru le monde pour savoir qui était à l’autre bout de la ligne, faisant halte en Chine ou encore en République démocratique du Congo, déclare Martin Boudot. Un confrère chinois a ainsi réussi à se faire embaucher dans une usine fabriquant des écrans. En caméra cachée, il nous dévoile les conditions de travail des salariés dont près de la moitié a moins de 16 ans, voire ne dépasse pas l’âge de 12 ou 13 ans. Ces enfants devraient être scolarisés et se retrouvent à travailler treize heures par jour, quand ce n’est pas la nuit, pour cent-soixante euros par mois, avec en tout et pour tout deux jours de congés par an ! "Et ce sous-traitant, car rares sont les marques à posséder des usines en leur nom propre, est l’un des plus importants dans l’industrie de la téléphonie mobile. Face à ce constat, aux différents manquements que nous avons constaté et aux bons de commandes récupérés, nous sommes remontés jusqu’aux décideurs, à ces grandes marques qui font appel à cette société chinoise, pour leur demander des comptes comme nous le faisons à chaque fois dans Cash investigation. Résumé ainsi cela peut paraître simple, mais ce sont quelque trois cents sous-traitants qui interviennent dans la fabrication d’un téléphone portable… Dans le cas présent, l’une des ces grandes marques a accepté de nous rencontrer et je laisse aux téléspectateurs et aux internautes le loisir de découvrir ses réactions et ses réponses".
Pour fonctionner, nos téléphones portables ont besoin d’un petit composant, un condensateur fait en tantale, rappelle Martin Boudot. "Un minerai qui stocke le mieux l’énergie et qui permet de conserver nos données personnelles lorsque notre téléphone, à court de batteries, s’éteint. Or la grande majorité de ce minerai provient de République démocratique du Congo. Deuxième pays le plus grand d’Afrique, la RDC est aussi le deuxième pays le plus pauvre au monde. Un état par ailleurs en proie depuis une vingtaine d'années à un conflit opposant l’armée régulière congolaise aux rebelles. La téléphonie mobile étant le plus gros consommateur de tantale au monde, nous avons souhaité rencontrer ceux qui extraient chaque jour ce minerai et nous avons été sidérés par leurs conditions de travail. Ils sont en moyenne cinq mineurs à mourir par mois dans une indifférence totale. Pas un média pour relayer l’information ou pour s’émouvoir de leur sort. Tous vont travailler la peur au ventre sachant pertinemment qu’ils n’ont pas d’autres choix que celui-là. Pour avoir été témoin, avec l’équipe, d’un éboulement dans une mine, je me mets facilement à leur place. Sans oublier qu’une partie de ces mines est détenue par les rebelles. Leur acheter du tantale revient à les financer, à leur permettre de s’armer et de poursuivre les combats. Sur place, on a pris conscience que des hommes mouraient régulièrement pour permettre à d’autres d’utiliser leur téléphone portable et que, sans le savoir, nombreux étaient les usagers à financer une guerre. On a réussi à remonter jusqu'à des acheteurs qui se cachent derrière des sociétés écrans installés dans des paradis fiscaux et qui sont impliqués dans ces minerais de sang. Après sept mois d'enquête, on a même pu mettre en cause l'une des grandes marques de la téléphonie mobile dans ce « financement »... Pour faire cesser ces minerais de sang, le gouvernement américain a voté une loi contraignant les multinationales de Wall Street à préciser si elles travaillent ou non avec des sous-traitants liés à ce trafic. En Europe, malheureusement et bien que la volonté de Bruxelles soit la même, la loi votée est fondée sur le volontariat. Ici, de l’autre côté de l’Atlantique, nulle obligation de fournir de telles informations. Évoquer cela, demander des comptes à la commission européenne en a mécontenté plus d'un. On a même reçu des courriers nous enjoignant de ne pas diffuser certaines séquences de l'émission. Ce que nous ne ferons pas."
Pour cette enquête, poursuit Martin Boudot, l'équipe s'est retoruvée suivie et menacée par les services secrets chinois dans la ville de Baotou, à la frontière mongole. "On a d’abord réussi à les semer à deux reprises, avant d’être interceptés et de devoir leur remettre nos rushes, que nous avions au préalable sécurisés, et de quitter la ville. À Baotou donc, qu’on surnomme la ville des cancers, est installé un sous-traitant qui fournit 97 % des aimants présents de nos téléphones portables. Un matériau aussi important que ce fameux condensateur puisqu’on en dénombre une dizaine par mobile. Les aimants sont fabriqués à partir du néodyme, l'élément chimique le plus magnétique au monde, qu'on extrait dans des mines à ciel ouvert. Or le traitement du néodyme nécessite l'emploi de produits toxiques, radioactifs et ce sous-traitant a choisi de rejeter ces déchets dans un lac artificiel de onze kilomètres carré, soit la superficie de Saint-Tropez. Un prélèvement effectué dans le lac et analysé en France a révélé des résultats « explosifs ». Sachant que les eaux de ce lac ont fini par polluer l’eau de la ville, les services secrets chinois n'avaient donc aucun intérêt à nous voir dévoiler des informations pouvant mettre en péril un tel monopole. Une nouvelle fois, nous nous sommes rapprochés de deux marques faisant appel à ce sous-traitant avant de nous rendre à Bruxelles pour rencontrer le lobby des fabricants de portable. Je laisse au soin de chacun d'en apprécier l'interview."